Solidaires 37

Le système prostitutionnel Prohibitionniste, Règlementariste, Abolitionniste ?

Retour sur le débat organisé par la commission féministe de Solidaires 37, le 2/06/2016 en présence du Nid et d’Elisabeth Claude..
mercredi 20 juillet 2016 par Solidaires37

Retour sur le débat organisé par la commission féministe de Solidaires 37, le 2 juin 2016 en présence du Nid et d’Elisabeth Claude..

Le Mouvement du Nid existe depuis 80 ans. Il est organisé en délégations départementales. Son objectif principal est l’accompagnement des personnes prostituées.
Il s’occupe aussi de la prévention et de la formation des travailleurs sociaux.
Le Mouvement du Nid a été un des moteurs pour défendre le projet de loi abolitionniste, loi qui a été adoptée le 6 avril 2016.

Le film « Pas à vendre », réalisé, en 2006, par Marie Vermeiren présente des témoignages de femmes sorties de la prostitution. Elles expliquent les raisons qui les ont amenées à se prostituer. Ces femmes reviennent sur les conditions extrêmement difficiles dans lesquelles elles se prostituaient. L’une d’elle dit que la seule promotion possible c’est « de passer du trottoir à l’égout ».
Par leurs témoignages, elles démontent un certain nombre d’idées reçues :
« C’est l’argent facile ! » Mais, uniquement pour les proxénètes.
« Mon rêve c’est que nous arrivions à 500 entreprises » dit un industriel du sexe aux Pays- Bas.
« C’est très glamour ! » : au fond, on voit les boxes où les femmes sont parquées comme du bétail.
« Elles aiment ça ! » au point de subir tous les caprices des clients prostitueurs, plus de 40 fois par jour.
« C’est ma liberté, c’est mon choix ! ». Mais, il faut se demander pourquoi les prostituées commencent à se droguer surtout quand elles sont dans la prostitution « volontaire ».

Les trois systèmes juridiques du système prostitutionnel :

- Système prohibitionniste (Chine, Emirats Arabes et Nevada aux Etats Unis) : Dans ce système, les proxénètes, les clients et les personnes prostituées sont considéré-es comme des délinquant-es et la prostitution est forcément clandestine.

- Système règlementariste (Allemagne, Catalogne, Pays Bas) : la France a fonctionné dans ce système jusqu’en 1946. La prostitution se pratique dans des lieux spécialisés : maisons closes, salons de massage, eros centers ou parcs à voitures, style parcs à bétail. Le proxénète est considéré comme un chef d’entreprise. Contrairement aux idées reçues, le règlementarisme développe la clandestinité des personnes prostituées.

- Système abolitionniste : ce système date de la fin du XIXe siècle et s’inscrit dans le courant de lutte contre l’esclavage.
En décembre 1949, l’ONU adopte un texte dans lequel la prostitution est reconnue comme un danger pour l’être humain, la famille et la société. En 1960, la France le ratifie et, donc, le proxénétisme devient un délit.

Quelles sont les raisons d’entrée dans la prostitution ?

Facteurs socio-économiques : la précarité, les femmes en situation de famille monoparentale, les jeunes étudiantes, les très jeunes filles se retrouvant à la rue après une rupture familiale.
Facteurs personnels : 91% des personnes prostituées ont été victimes d’inceste, les mauvaises rencontres, les violences sexuelles, les carences affectives.

Qui sont les clients ?

Des hommes à 99%, issus de n’importe quelle catégorie sociale et situation familiale. Ils cherchent à être dans une situation de domination, ont une image dégradée de la femme (mère ou putain). La sexualité féminine est, pour eux, taboue et ils ont une méconnaissance du corps de la femme et de sa sexualité. Ils pensent avoir le droit d’acheter le corps des femmes comme on achète une fringue et le droit d’exiger ce qu’ils ne demandent pas à leur compagne.

L’Etude PROSTCOST (mai 2015) a été présentée par un militant du Nid.
- 37000 personnes prostituées en France : 85% de femmes, 10% d’hommes et 5% de transsexuel-les.
. 1,6 milliards € : coût pour la société française, c’est-à-dire, l’évasion fiscale et le coût humain pour les personnes prostituées.
. 3,2 milliards € : chiffre d’affaires de la prostitution, en France.
. 2,4 millions € : budget alloué aux associations de prévention et d’insertion.
. 12 fois plus de suicides chez les personnes prostituées.

Point de vue féministe et syndicaliste par Elisabeth Claude de la Commission femmes nationale de Solidaires.

Elisabeth Claude nous interroge :
Nous sommes toutes et tous des cibles pour devenir des clients de la consommation de sexe et des proies pour les trafiquants de personnes humaines.
Pourquoi seulement 0,5% des clients de la prostitution sont des femmes ? Parce qu’il y a toujours au final le risque du viol.
Le plus vieux métier du monde est « sage-femme » alors que la prostitution représente la plus vieille exploitation.
Pour répondre au débat posé par le STRAS, organisation de lobbying visant à faire reconnaitre la prostitution comme un travail comme un autre, quels sont ses critères d’embauche, de formation, de promotion, les horaires de travail … L’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 14 ans.
Il s’agit bel et bien d’une forme d’esclavage : durée de travail/24h, pas de prime de nuit. L’espérance de vie des personnes prostituées est de 50 ans en France et 40 aux USA. Quelles seraient nos revendications en tant que syndicalistes ? Devraient-elles porter sur les salaires, les congés payés, les conditions de travail, les droits, le contrat de travail…Et à quelle branche professionnelle et à quel syndicat seraient rattaché-es les travailleurs et travailleuses du sexe : la santé, la culture...?
Les personnes prostituées à leur compte et les proxénètes devraient-elles adhérer au Medef ? sans aucun doute !
Les frais occasionnés par le recours à un-e assistant-e sexuel-le doivent-ils être pris en charge par la Sécurité sociale au même titre qu’un acte de kinésithérapie ? De nombreux lieux -bars, boites de nuit- restent inaccessibles aux PMR (personnes à mobilité réduite).
La vraie question est quelle société voulons-nous ?

Questions/Débat

. La prostitution étudiante : pas de statistiques car plus rare qu’on ne le pense. Il faut dénoncer la précarisation qui peut amener les étudiant-es à se prostituer.
. Le Nid demande que la responsabilisation des clients prévue par la Loi soit assortie d’un accompagnement comme dans le cas de violences conjugales.
. Point positif de la loi : l’achat de tout acte sexuel devient un délit et cela change l’image des femmes qui, dans le système patriarcal, étaient réduites à un objet de consommation.


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