Solidaires 37

Petit historique et principales évolutions des CHSCT

mercredi 12 janvier 2011 par Solidaires37

Au début de leur histoire, les CHSCT avaient pour principal but de faire appliquer les règles de prévention dans les entreprises. Dans un second temps, leurs membres ont eu la volonté de définir un périmètre de compétences cohérent autour des conditions de travail. Aujourd’hui les CHSCT sont une structure installée, capable d’anticiper les risques émergents susceptibles d’être nuisibles à la santé de tous les travailleurs.

Au fil de ces différentes étapes des textes importants ont transformé les compétences et le fonctionnement des CHSCT. C’est en étudiant leur évolution que l’on comprend mieux pourquoi les CHSCT d’aujourd’hui jouissent dans les entreprises d’une véritable reconnaissance de la part des salariés.
1. De l’application de la règle à l’expression sur le travail

L’origine des CHSCT se retrouve dans la création des délégués mineurs inscrite dans la loi du 8 juillet 1890. C’est le premier texte qui fait référence à une représentation du personnel orientée sur la sécurité. Les mines ont toujours été une référence en matière de sécurité tant chaque accident s’apparente à une catastrophe par l’ampleur des victimes. Ces délégués avaient pour mission de tenir un registre d’observations portant sur la sécurité ; ils devaient également signaler les infractions aux ingénieurs chargés des contrôles.

On aurait pu penser qu’à partir de cette installation de délégués mineurs, très vite tout le tissu industriel allait se doter de délégués ouvriers pour exercer une mission similaire.

Rappelons que les années 90 du XIX° siècle furent fécondes pour la prise en compte des accidents du travail.

La prise en compte progressive des accidents du travail en quelque date :

- 1892 : Création de l‘inspection du travail,

- 1892 : Protection au travail des femmes. La loi du 2 novembre 1892 fixe une durée maximale pour le travail des enfants, des femmes et des filles mineures.

- 1893 : Protection des travailleurs dans les établissements industriels, notamment en ce qui concerne l’hygiène et la sécurité.

- 1898 : la réparation des accidents du travail. La loi du 9 avril 1898 crée un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents du travail.

Le débat social de l’époque n’a cependant pas favorisé cette extension, le mouvement syndical français ayant des difficultés à se mettre d’accord sur une représentativité ouvrière au sein des entreprises et les chefs d’entreprises ne voyant pas d’un bon œil l’arrivée de délégués susceptibles de leur causer quelques tracas [1]. Le débat paritaire sur les questions de sécurité s’est alors déplacé vers l’extérieur de l’entreprise au sein d’instances de concertation, à l’initiative en particulier d’Alexandre Millerand.

Même si là encore ce paritarisme sur la sécurité ne prendra vraiment son essor qu’après la seconde guerre mondiale. Seule la création des délégués du personnel en 1936 [2] a trouvé écho à cette idée d’expression sur la sécurité vue par les ouvriers.

Il faudra attendre le régime de Vichy pour voir apparaître les premiers comités de sécurité. En 1928 une recommandation de l’OIT avait préconisé l’institution de Comités paritaires de sécurité dans les entreprises.

Le texte du 4 août 1941 instituait des comités chargés de contrôler la sécurité. Dans l’esprit des pouvoirs publics, ces comités devaient être des points d’appui à l’action des inspecteurs du travail [3]. Les désignations restaient néanmoins extérieures aux salariés de l’entreprise puisqu’elles étaient réalisées par les préfets à partir de listes préétablies.
2. D’abord l’hygiène et la sécurité puis les conditions de travail

A la fin de la guerre le mouvement social créateur de la sécurité sociale pousse les pouvoirs publics à intensifier les niveaux d’expression dans l’entreprise avec notamment la création des comités d’entreprise. L’idée restait bien présente de s’appuyer aussi sur les comités de sécurité (CHS) pour favoriser la prévention des risques. Les comités d’entreprise vont donc évoluer. D’une part ils vont prendre en charge les questions non plus seulement de sécurité mais aussi d’hygiène et de sécurité et, d’autre part, ils s’installent en tant que commission spécialisée du comité d’entreprise [4].

Les conditions d’une réflexion vivante sur les risques sont réunies pour que l’exercice quotidien du travail soit rapporté au chef d’établissement qui préside le CHS par un autre canal que le canal traditionnel de l’encadrement. La structure peut maintenant jouer réellement son rôle de protecteur vis à vis du personnel et devenir une instance d’innovation propice à participer à l’édifice de la prévention dans l’entreprise.

Naissance de la médecine du travail

Le courant hygiéniste et de la physiologie du travail, ancêtre de l’ergonomie, était à l’époque porté par des chercheurs tel que Jules Amar. C’est sous l’angle des effets « d’un manque d’hygiène », c’est à dire des conséquences sous la forme de pathologies, que la notion d’hygiène a été longtemps éclipsée au profit de l’approche médicale. D’ailleurs, lors de la mise en place de la médecine du travail en 1946 un diplôme de médecin hygiéniste du travail avait été envisagé avec pour mission de conseiller le chef d’entreprise sur l’hygiène générale de l’entreprise. Ce rôle confié aux médecins du travail se retrouvait fort logiquement dans le champ des nouveaux comités dénommés désormais Comité d’Hygiène et de Sécurité (CHS). Cette fois ses membres sont bien issus du milieu du travail puisque les représentants du personnel sont désignés par un collège constitué des représentants au CE et des délégués du personnel. On peut considérer qu’avec ce décret du 1 août 1947, l’ère moderne de la prévention des risques dans l’entreprise prend véritablement racine.

Malgré cela, des lacunes subsistent que différents textes au cours des cinquante années suivantes tenteront de pallier pour parfaire cette instance originelle.

En premier lieu, les modifications législatives ou réglementaires se sont attachées à harmoniser les questions de seuils et de secteur. Initialement prévu pour les établissements industriels de plus de 50 salariés, un CHS n’était envisagé pour les autres entreprises qu’à partir de 500 salariés.

La loi du 27 décembre 1973 ramenait ce seuil à 300 salariés et prévoyait la possibilité de créer plusieurs CHS dans les entreprises de plus de 1500 salariés. Ce progrès devait se poursuivre pour finalement rendre obligatoire le CHS au sein de tout établissement quelque soit son secteur professionnel de plus de 50 salariés.

Le sujet des conditions de travail était aussi une préoccupation mais il avait prioritairement été confié aux comités d’entreprise, compétents en matière « d’amélioration des conditions collectives de travail et de vie du personnel » pour les entreprises de plus de 300 salariés [5]. Cet ancrage auprès des CE s’est renforcé en 1973 par la création d’une commission spécialisée dont l’objet était l’amélioration des conditions de travail.

Il faudra attendre la loi du 23 décembre 1982 pour que l’unification de l’approche hygiène et sécurité et celle de l’amélioration des conditions de travail soit opérée. La jonction de ces deux approches s’est accompagnée d’un renforcement du rôle du CHSCT qui se voit alors doté d’un droit d’alerte. Le CHSCT devient une instance représentative de stature similaire au CE [6] . Son rôle ne cesse de s’élargir et son action est de plus en plus prégnante sur le champ de la prévention des risques, notamment depuis la loi du 31 décembre 1991. Cette loi a nettement renforcé ses moyens entre autres en lui octroyant la possibilité de faire appel à des experts.
3. L’anticipation des risques

La loi du 31 décembre 1991 constitue un tournant pour les CHSCT. Près de 10 ans après leur mise en place et leurs mutations sur le champ élargi de la sécurité et des conditions de travail, leur développement s’oriente maintenant vers des questions d’exposition des salariés plus complexes et qui se jouent sur le long terme.

Dans l’horizon des CHSCT se dressent des problématiques contingentes à l’évolution générale de l’environnement de travail. Avec la loi du 30 juillet 2003 par exemple, elle s’élargit même à la prévention de l’ensemble des risques technologiques. Ce mouvement vers les aspects environnementaux et technologiques intervient après la catastrophe AZF de Toulouse en 2001. Les CHSCT, de fait, prennent place dans le débat pour un développement durable et par conséquent pour une prévention durable. Il s’agit également de s’intéresser davantage aux salariés de la sous-traitance et aux intérimaires.

Dans le même temps, les CHSCT deviennent plus sensibles aux aspects psychosociaux du travail. Les troubles muscullo-squelettiques (TMS), dont les tableaux en tant que maladies professionnelles ont été modifiés en 1991, connaissent une croissance considérable avec l’impact sur la santé des changements dans les modalités de réalisation du travail.

Les textes sur le harcèlement sexuel et moral confèrent aux CHSCT un rôle de veille et de vigilance qui le pousse à s’intéresser à une sphère de risques sur laquelle son histoire, axée sur l’étude des accidents, l’avait assez peu préparé.

Progressivement l’idée de l’analyse sur le long terme s’impose et devient un nouvel enjeu pour les CHSCT dans leur volonté d’anticiper les risques. Leurs outils restent cependant rudimentaires pour affronter ces défis et tout naturellement ils se retournent vers les partenaires sociaux et les pouvoirs publics pour tenter d’obtenir une adaptation de leurs moyens à une époque où tous ces sujets n’étaient encore qu’en gestation.

Aujourd’hui, le projet social du CHSCT se place sous l’angle de l’amélioration des conditions de travail et de la protection de la santé des salariés. Il se comporte dans l’entreprise comme une force de rappel permanente qui interpelle régulièrement, dans un débat constructif, les choix organisationnels de l’entreprise. Il déplace sa réflexion en tenant compte des caractéristiques de la population de l’entreprise et de la durée de vie professionnelle des salariés.

En un peu plus de 60 ans (depuis 1947), les CHS puis les CHSCT se sont installés dans le paysage de l’entreprise comme des acteurs incontournables de la prévention des risques et de la protection de la santé. Les organisations syndicales consacrent beaucoup d’énergie à former et professionnaliser leurs représentants ; les organisations patronales réfléchissent au rôle clé que doit jouer le Président de ce Comité. C’est un lieu rare où le dialogue se place davantage sur le terrain de la concertation, de la « co-construction » et de la consultation que sur celui de la négociation.

[1] Les débats sur la prévention étaient très vifs à cette époque, on pourra se référer par exemple à la bataille menée au parlement et dans la presse pour faire interdire la céruse de plomb dans les peintures( in M.Valentin Travail des hommes et savants oubliés, ed. Docis 1978, p284)

[2] Dans les années 20 existaient néanmoins en Meurthe et Moselle des comités de sécurité dans le secteur de la sidérurgie

[3] op cité

[4] Patrick Barrau in Cahiers de l’Institut Régional du Travail, numéro spécial, 1998

[5] On retrouvera d’ailleurs ce seuil de 300 salariés en 1977 au moment de l’obligation de produire un bilan social dans l’entreprise.

[6] L’arrêt du 17 avril 1991 de la Cour de Cassation confère aux CHSCT la personnalité civile : Hubert Seillan in Préventique n° 40 juillet-septembre 1991


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