Usagers, cheminots : quel chemin de fer voulons-nous ?
Usagers, cheminots :
Quel chemin de fer voulons-nous ?
Le gouvernement a lancé une opération médiatique dénommée “assises du ferroviaire”. Parallèlement, il a demandé des “rapports” et autres “avis” sur le système ferroviaire français, à nombre de
personnes dont la caractéristique commune est de ne pas savoir comment celui-ci fonctionne, et de ne pas l’utiliser quasi-quotidiennement comme le font des millions d’entre nous. Justement, nous, que voulons-nous ? Quel service public ferroviaire ? Quel chemin de fer ? L’Union syndicale SOLIDAIRES et sa fédération des syndicats SUD-Rail vous proposent quelques réflexions et sollicitent vos avis, remarques et propositions sur ce qui constitue un de nos biens communs.
Outre la désorganisation ainsi provoquée, ce report de travaux a des conséquences sur la sécurité des trains : sur les lignes les plus fréquentées, le kilométrage de voies ayant dépassé l’âge
limite de renouvellement a été plus que multiplié par deux, ces 10 dernières années ; sur les 29 000 km du réseau ferré, 3 000 km
sont parcourus au ralenti par défaut d’entretien. Même le prétexte financier n’a pas de sens :
Repoussés d’année en année, ces travaux de maintenance sont effectués sur un réseau si peu entretenu que les opérations coûtent plus cher qu’un entretien régulier !
Pourquoi 70% de vos horaires de trains changent-ils ?
Chaque année, un changement de service a lieu dans les chemins de fer vers mi-décembre ; c’est ce qu’on appelle le passage des « horaires d’été » aux « horaires d’hiver ». C’est une période de tension sociale, car la direction SNCF en profite pour réorganiser les roulements, supprimer des effectifs, détériorer les conditions de travail.
Mais cette année, il y a une nouveauté de taille : 70% des horaires de trains changent en décembre 2011. Il y a deux raisons à ce bouleversement : d’une part des technocrates (RFF) ont décidé
d’imposer à la SNCF une généralisation du « cadencement », d’autre part l’état du réseau ferroviaire est tellement lamenta- ble qu’il est devenu urgent d’effectuer, en 2012, une partie des travaux repoussés depuis des années.
Depuis des mois, SUD-Rail relaie auprès de la direction et des pouvoirs publics les craintes, étayées par des exemples précis, des cheminots qui préparent ce changement de service ; rien n’y fait, la direction de la SNCF ne veut pas revenir sur ces choix inappropriés, qui coûteront plus cher à l’entreprise publique … ce qui lui permettra de justifier ensuite qu’il faut encore accroître la productivité et détériorer la réglementation du travail des cheminots. Les usagers
sont les premiers impactés par ces bouleversements d’horaires. Là encore, nous ne défendons pas un statu quo de principe mais nous voulons que les comités d’usagers, les élus locaux, les
organisations syndicales interprofessionnelles puissent exprimer leurs besoins et être entendus.
Prendre en compte leurs remarques suppose de faire du sur-mesure dans le tracé des sillons des horaires. C’est l’inverse que les pouvoirs publics ont décidé pour le Service Annuel 2012 ! Les
comités d’usagers et les syndicats ont pu faire rectifier quelques horaires de dessertes, mais de nombreuses modifica- tions restent imposées. En imposant un diktat lors du changement de service de
mi-décembre, RFF et les pouvoirs publics montrent que l’intérêt des usagers n’est pas leur souci ; les Conseils Régionaux, Autorités Organisatrices des transports régionaux, ont trop facilement
accepté les propositions de la SNCF. Une fois de plus, les hauts dirigeants de l’entreprise publique ont choisi de mettre en œuvre une décision qu’ils savaient nocive au service public ferroviaire.
Halte à l’organisation absurde du système ferroviaire !
Il y a 15 ans, l’éclatement du système ferroviaire français fit l’objet d’un consensus Droite/Gauche : en 1996, le gouvernement de Droite décide de casser la SNCF en créant Réseau Ferré de France ; en 1997, le gouvernement PS/PCF/Verts met en œuvre cette fatale rupture entre infrastructure et exploitation ferroviaires. Au plan syndical, il n’y avait que CFDT et SUD-Rail pour refuser cette solution et en expliquer l’absurdité et les dangers.
Par définition, dans le système ferroviaire, infrastructure et exploitation sont totalement liées et interdépendantes ; créer deux entités qui défendent des intérêts opposés ne peut qu’aboutir à
un affaiblissement de la qualité et de la sécurité. Cela amène, par ailleurs, des doublons, des surcoûts stupides, des contrôles et suspicions réciproques absurdes. Quoi qu’on pense des
directives européennes et de la nécessité ou non de décider politiquement de ne pas s’y soumettre, il faut relever que rien dans ces textes n’oblige à cette séparation décidée en France (et pas dans
d’autres pays comme l’Allemagne, la Belgique, l’Autriche, la Pologne, etc.). Il y a quelques semaines encore, patrons de la SNCF, représentants du gouvernement et « experts » en tous genres
repous- saient avec dédain nos demandes de réunifier le système ferroviaire. La désastreuse organisation aura tenu 15 ans ; désormais, on ne compte plus les déclarations enflammées sur la
nécessité de réunifier le système ferroviaire. Les convertis de dernière heure sont bien sûr les plus expansifs, à l’image des promoteurs de la casse de 1996/97 que furent les actuels numéros 1
et 2 de la SNCF : MM. Pépy et Azema. Ces ralliements tardifs ne nous amènent pas à changer de position !
D’autant que leur solution n’est pas tout à fait la nôtre : il faut réintégrer l’exploitation et l’infrastructure ferro- viaires dans une même entité, mais ce doit être une entreprise publique,
pas une holding de sociétés dont le seul but est de « faire du fric », y compris en allant participer à la privatisation des réseaux ferroviaires d’autres pays !
Privatiser, ça sert à qui et à quoi ?
C’est à coup de gaz lacrymogènes et de matraques que les gendarmes
mobiles ont ouvert la voie au premier de train de fret privé en France,
le 13 mai 2005. Mais les militants SUD-Rail et Solidaires alors présents
avaient raison : 6 ans plus tard, cette « ouverture à la concurrence » fait que les cheminots des entreprises de transport privées ont des conditions de travail très mauvaises (et dangereuses), que le statut des cheminots de la SNCF a été affaibli, … mais cela n’a nullement contribué à faire en sorte que la part du ferroviaire dans le transport de marchandises augmente ; la réalité est l’inverse ! Comme cela n’a pas marché pour le fret, on nous propose de faire la même chose pour le transport de voyageurs !
Les trains régionaux étaient initialement dans le collimateur. Mais les
Conseils Régionaux ne cessent de réaffirmer qu’ils ne demandent pas
cette privatisation ; alors, les croisés de la Sainte-Privatisation se reportent sur les « Trains d’Equilibre du Territoire » (37 relations nationales en Téoz, Corail, Lunéa et autres trains de nuit). Et pourtant, les trains seront-ils moins chers une fois privatisés ? Nous avons l’exemple du gaz, dont le prix pour l’usager a augmenté de 56% depuis la privatisation de GDF, il y a six ans… Si on considère que le transport ferroviaire, de marchandises et de voyageurs, répond à un besoin collectif, à une nécessité sociale, écologique et économique, il doit être assuré par une entité publique de service public ayant les moyens d’assurer cette mission. Par définition, cela ne peut pas être l’objectif d’entreprises privées qui, dans le cadre normal du système économique actuel, ont pour but ultime de servir des dividendes à leurs actionnaires, c’est-à-dire de défendre les intérêts d’une minorité, au besoin contre l’intérêt général et les besoins de la collectivité.
Encore plus de camions, plus de bus… Encore moins de social, moins de sécurité. Priorisant les secteurs où les conditions sociales sont les moins bonnes, le ministre chargé des Transports a autorisé en septembre 2011, le transport de voyageurs par bus sur 230 relations interrégionales par cabotage (déjà, 250 autres demandes sont en attente). En octobre, il a offert au patronat du secteur un projet de loi permettant aux entreprises privées d’exploiter des lignes express nationales ! « L’important est surtout de faire avancer la possibilité de mettre en oeuvre d’autres services que le ferroviaire » a déclaré M. Mariani. Après les camions supplémentaires du fret, après les milliers d’autobus du cabotage, voilà encore des milliers d’autocars à travers toute la France, tant pis pour l’écologie et pour la sécurité !
Il faut réformer la SNCF ? Oui, mais alors arrêtons de la casser !
On ne compte plus les « réformes » menées ces 25 dernières années ;
elles aboutissent à une destruction du sens même des tâches des cheminots et à une grande souffrance au travail, selon de nombreux agents d’exécution ou de maîtrise, cadres et même cadres supérieurs.
Il ne s’agit pas que des privatisations déjà effectuées, notamment à travers les filialisations, mais aussi de la restructuration interne compulsive de la SNCF, placée toujours plus sous le signe d’absurdes rapports clients/fournisseurs là où il faudrait de la complémentarité … comme le montrent deux siècles d’histoire ferroviaire !
Le cadencement consiste, pour une relation donnée et toute la
journée, à faire partir les trains aux mêmes minutes de l’heure :
par exemple 12h10, 12h40, 13h10, 13h40, etc. Nous ne rejetons pas
ce principe, mais décider qu’il faut l’appliquer partout est
absurde, car cela nécessite des moyens en personnel et en infrastructures (notamment plus de voies à quai dans les gares de
correspondance) qui n’existent pas aujourd’hui. Il a fallu à la
Suisse, par exemple, une quinzaine d’années pour mettre
en place ce système, moyennant de gros investissements. En
France, cette décision technocratique est sous tendue par le
fantasme de RFF d’industrialiser la confection des horaires pour
supprimer de nombreux postes très qualifiés d’horairistes, au
prix d’une grande fragilisation du respect des horaires.
Le trafic fret de la SNCF est retombé au niveau de celui des compagnies ferroviaires … en 1911 !
Globalement, la part du trafic ferroviaire dans le transport de fret continue de baisser (moins de 10% en 2010 !) au profit de la
route, avec de graves conséquences sociales et environnementales.
Nous avons besoin de trains à l’heure, non supprimés, propres, de personnel formé dans les gares et les trains. Nous voulons des trains qui roulent dans les meilleures conditions de sécurité, ce qui suppose
de réaliser la maintenance et les travaux quand c’est nécessaire, et passe par une organisation cohérente du système ferroviaire public, dotée d’une unité de stratégie et d’action sans failles. Tant pour les marchandises que pour les voyageurs, nous voulons développer le service public ferroviaire ! La place des usagers et des cheminots dans les prises de décision doit être renforcée.
Solidaires37
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