Hypocrisie générale
Après l’annonce de la direction de PSA, l’étonnement des responsables politiques est une véritable hypocrisie.
Bien avant la révélation, il y a un an du projet de la fermeture d’Aulnay en 2014, les déclarations en 2008 de Sarkozy
sur l’engagement de Renault et PSA de ne pas licencier pendant toute la durée des prêts octroyés à l’époque
aux constructeurs, prouvent que le ver était déjà dans le fruit.
Les restructurations de l’industrie automobile mondiale sont à l’oeuvre depuis les années 2000, avec leur cortège
de destructions d’emplois. Les responsables politiques ont été incapables de mettre en oeuvre des mesures pour
anticiper et éviter les désastres sociaux.
Appel d’air des marchés asiatiques d’un côté, et tassement des marchés européens et nord-américains de l’autre,
le scénario était connu. Le marché européen est passé de 17 millions d’immatriculations en 2007 à 12,5 millions
aujourd’hui. PSA annonce une baisse de 8 % de ses ventes européennes en 2012 et Renault prévoit un recul de 6
à 7 %.
Les groupes accélèrent leur mondialisation par des alliances, comme Renault-Nissan à la fin des années 1990, et
des plateformes communes de production de blocs moteurs, pièces mécaniques, de chaines de montage, de co-filiales
sous-traitantes. Le temps moyen de fabrication d’une voiture a été divisé par trois ou quatre selon les gammes
et dans une industrie exigeant beaucoup de capitaux, la concurrence s’exerce sur les volumes et les économies
d’échelle. Les gouvernements ne peuvent pas d’un coté flatter le patriotisme d’entreprise pour la conquête des
marchés internationaux et de l’autre feindre la surprise sur les purges sociales induites par cette mondialisation
capitaliste.
Ils ne peuvent pas non plus se lamenter sur la concurrence européenne « libre et non faussée », alors qu’ils l’ont
eux-mêmes organisée et ont favorisé le dumping social et fiscal en son sein. L’industrie automobile représente 12
millions d’emplois au sein de l’Union européenne, un enjeu qui mériterait, à l’instar de l’aéronautique (ex. Airbus),
une politique européenne concertée et coopérative.
PSA : nos analyses et nos propositions
L‘annonce par PSA de 8 300 suppressions d’emplois, dont 3 300 à l’usine d’Aulnay
et 1 400 à celle de Rennes, sans oublier celles en cascade dans la sous-traitance
et les effets en chaine sur l’activité économique des départements concernés,
constituerait un véritable séisme et des drames humains pour des milliers de personnes.
Il n’y a pas de fatalité à une telle issue, d’autres solutions existent. Pour
les imposer, il y a urgence à renforcer la mobilisation des salarié-es du groupe
PSA et des sous-traitants, à construire la convergence des luttes de tous les secteurs
visés par des plans de licenciements, et à organiser la solidarité des autres
secteurs et le soutien des populations des villes touchées.
Il y a un choix à faire entre l’intérêt des salarié-es et de la collectivité, et la logique
financière et capitaliste, destructrice d’emplois au profit des actionnaires. Ce n’est
pas aux populations de payer les conséquences des politiques européennes d’austérité
qui n’engendrent que récession et reculs sociaux.
La dynastie Peugeot et la concurrence inter capitaliste
Le contexte de crise économique ne fait que renforcer la violence du
système capitaliste qui détruit des emplois, des équipements, pour
maintenir le taux de profit et les dividendes des actionnaires. Pour atteindre
cet objectif, les uns, comme Renault, choisissent les
« mèches » lentes pour « dégraisser » les effectifs, les autres, comme
PSA, les « mèches » courtes et radicales.
C’est cela le capitalisme, une concurrence sans limites qui détruit tout
sur son passage, les emplois, les vies.
L’alliance de PSA avec Général Motors (GM) visait à faire 2 milliards
de dollars d’économies par an pour les deux constructeurs et à gagner
de nouveaux marchés. Mais la crise économique, notamment en Europe
où PSA réalise 60 % de son chiffre d’affaires, accélère la baisse
des ventes de modèles mal ciblés, et les chaines tournent au ralenti.
La capitalisation boursière de PSA n’est que de 2 milliards d’euros
comparée à celle de Volkswagen de 60 milliards d’euros.
La famille Peugeot, suite à l’alliance avec GM, passe de la détention
d’un tiers du capital de PSA à 25 % et de 48 % des droits de vote à
38 %. Pourquoi n’a-t-elle pas augmenté la mise et a-t-elle laissé se
diluer sa participation ? Mystère. Quoiqu’il en soit, en pleine crise européenne,
les dividendes se portent bien puisqu’en 2011, le groupe a
versé 449 millions d’euros de dividendes et de rachats d’actions. La
holding Peugeot (FFP) aux multiples participations dans d’autres sociétés,
notamment financières, fonds d’investissement, détenue à 74 %
par la famille, empoche 57 millions d’euros, sans compter les revenus
des postes occupés par ses membres et ceux versés comme jetons de
présence aux conseils d’administrations divers.
Face à une telle situation et aux projets de PSA de jeter à la rue des
milliers de salarié-es, les réponses du gouvernement de M. Ayrault et
le plan de M. Montebourg, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Un plan gouvernemental sans ambitions
Une fois de plus, l’intervention du gouvernement se limite aux aides au patronat du secteur avec des contreparties
bien peu contraignantes. Il se contente de prolonger le système du bonus-malus à tous les constructeurs en fonction
du rejet de CO2 des véhicules (au-delà de 180g/lm le malus s’applique) et d’augmenter les aides à l’achat de véhicules
hybrides et électriques.
Il n’exige qu’une renégociation à la marge du plan de sauvegarde de l’emploi. Alors qu’il faudrait des mesures
coercitives à la hauteur de l’irresponsabilité sociale des constructeurs de la branche, qui permettraient de maintenir
les salariés dans leurs droits et l’activité économique des sites, on a droit à des discours lénifiants, sans contenu,
sur « la nécessité de conforter la filière » ou « l’incitation à l’achat de véhicules français, fabriqués en France ».
Le gouvernement devrait se battre pour une politique européenne coopérative pour la filière automobile, prenant
en compte les impératifs écologiques. En réalité, il laisse le patronat de la construction automobile décider seul
des choix technologiques et écologiques du futur. Pire, il laisse croire que les aides fiscales, accordées sans contreparties,
vont conduire les grands groupes à développer la recherche et l’emploi, alors que l’expérience montre
qu’elles ne servent qu’à enrichir un peu plus les actionnaires.
Florilèges patronaux
La défense de la logique capitaliste par le
patronat du secteur automobile est sans
ambiguïté, c’est à lui de payer le prix des
dégâts sociaux qu’il provoque.
Le patron de Fiat-Chrysler, M. Marchionne,
met à nu les mécanismes capitalistes
: « le secteur fait face à des
surcapacités de production d’environ
20 %, en particulier sur les petites voitures,
qui tirent les prix vers le bas, c’est
la raison pour laquelle presque personne
ne gagne de l’argent en Europe (…). Les
constructeurs américains ont fermé 20 %
de leurs capacités, et maintenant, ils gagnent
tous de l’argent ».
Carlos Ghosn, patron de Renault, est
tout aussi clair : « Il n’y a pas d’innovation
qui émerge sans destruction ou sans
échec. Et la voiture électrique ne fera pas
exception (…) Les plus faibles vont devoir
se restructurer. »
Yan Delabrère, patron de Faurecia, filiale
sous-traitante de PSA, ne dit pas
autre chose : « L’industrie automobile
s’est fortement restructurée pendant la
crise de 2008-2009 et a ainsi amélioré ses
marges en réduisant sa base coût (…).
Les entreprises de taille moyenne ont disparu,
il y a eu de nombreux regroupements
(…). Tout cela a pour conséquence
de concentrer les volumes sur les fournisseurs
les plus importants. »
D’autres choix sont possibles
Pour gagner face à PSA, le premier piège à éviter pour les salarié-es et leurs représentants syndicaux
c’est la concurrence pour le partage de l’activité entre les différents sites. Déshabiller les uns au profit des autres,
les directions de groupes sont passées maîtres à ce jeu de dupes.
Le deuxième piège est de penser limiter la « casse » en donnant la priorité aux seuls salarié-es en CDI de PSA,
en acceptant au bout du compte le sort fait aux salariés précaires du groupe (intérim, CDD) et à ceux des soustraitants.
Le troisième piège serait d’enfermer la mobilisation dans le seul objectif d’améliorer le « plan social » ou augmenter
la « prime à la valise », alors que d’autres solutions existent pour empêcher tout licenciement direct ou indirect.
Quelle voiture du futur ?
Les choix technologiques des nouvelles motorisations sont ouverts. Du fait des conséquences de l’automobile
sur l’environnement et sur l’espace urbain, ce ne sont pas aux seuls constructeurs automobiles de décider. La nécessité
de réduire la consommation des énergies fossiles implique une réorientation technologique.
Tout le monde tâtonne entre voiture électrique ou hybride. Les investissements en chaine que cela suppose méritent
d’être débattus. La question des batteries, par exemple, est essentielle. Quels investissements pour produire
une technique augmentant l’autonomie, celle au lithium-air actuellement à l’étude par des chimistes
britanniques ou d’autres ? Qui va payer les bornes de rechargement, les collectivités publiques ou les constructeurs
? Quel matériau utiliser pour réduire la consommation d’énergie ? Et quel technique de remplacement des
batteries avant l’épuisement des métaux rares les composant ? En cas de motorisation électrique, l‘utilisation de
matériaux plus isolants que l’acier ou l’aluminium, est posée. BMW et Audi expérimentent l’usage du carbone
pour des productions de série. Aujourd’hui, 20% de la masse totale d’un véhicule usagé n’est pas recyclable ou
valorisable et finissent en déchets industriels alors que l’objectif européen prévu pour 2015 est de 5 %. Le recyclage
des véhicules usagés doit faire partie des études d’impact lors de la construction des véhicules et notamment
pour les plastiques utilisés.
Autant de questions qui justifient une entrée massive des États dans le capital des constructeurs européens et des
investissements massifs dans la recherche.
Les conséquences de la
politique de PSA en chiffres
Premier trimestre 2012, PSA
perd 14 % en nombre de véhicules
vendus dont moins 20 %
en Europe.
’Au niveau mondial, le chiffre
d’affaires recule de 7 % et
de 14 % pour la seule activité
automobile (hors Faurecia).
Sur le dernier exercice 2011,
le résultat opérationnel baisse
de 26 % et la branche auto enregistre
une perte de 92 millions
d’euros.
1 355 000 000 d’euros de patrimoine
de la famille Peugeot,
36e fortune de France.
Sevelnord à Hourdain (59) : un accord scandaleux !
Sevelnord, usine du groupe PSA située à Hordain (59), emploie 2 700
salarié-es.
Depuis des semaines, les patrons y exercent un chantage odieux : la
construction d’un nouveau véhicule y serait possible à compter de 2016.
si les syndicats acceptent de signer un « accord de compétitivité » qui
n’est qu’un accord liquidant les droits des salarié-es pour renforcer les
profits des actionnaires !
A la veille de la fermeture de l’usine et des congés annuels, trois syndicats
(CGC, FO, SPI/GSEA) ont apporté leur soutien aux patrons et
signé ce recul social (gel des salaires, mobilité obligée, etc.).
Un seul des syndicats « représentatifs » n’a pas signé : la CGT. La section
SUD, non représentative pour l’instant, avait proposé aux autres
syndicats, sans succès, d’organiser une action collective contre l’accord
avant qu’il ne soit définitif !
Nos propositions
Face au diktat de PSA et au manque d’ambition du gouvernement, les salariés-es et les organisations syndicales
du groupe peuvent devenir un exemple pour tous les salarié-es menacé-es de plans sociaux en se mobilisant pour
imposer d’autres choix :
Le site d’Aulnay doit être maintenu. Au-delà des déclarations d’intention, le gouvernement doit prendre
des mesures concrètes ; la situation actuelle montre l’urgence de ne pas laisser les intérêts privés d’une minorité
définir la politique du Groupe PSA. L’entrée de l’Etat au capital, par exemple à la hauteur de 20 %, permettrait
de mettre en avant d’autres solutions, comme obliger la famille Peugeot à investir un milliard d’euros en contrepartie
des aides publiques reçues. L’Etat doit d’ailleurs de la même manière peser sur les décisions à Renault.
Un débat doit s’ouvrir avec les salarié-es concernés mais aussi avec l’ensemble de la population
sur les questions de la socialisation, du contrôle des salarié-es sur ce qu’ils et elles
produisent, sur l’utilisation de la plus-value dégagée, sur les investissements utiles à la société…
Ces questions se posent pour la filière automobile comme dans les autres secteurs productifs.
’Les salarié-es doivent être protégés des aléas des restructurations dues aux évolutions de
la filière automobile. Pour cela, un fonds financé par le patronat de la branche doit permettre aux salarié-es
de garder leur rémunération, leur protection sociale et plus globalement l’ensemble de leurs droits sociaux, pendant
le temps nécessaire pour retrouver un emploi comparable, et prendre en charge le financement de leur éventuelle
reconversion.
’A l’échelle nationale et européenne, il faut engager un débat démocratique sur l’avenir, la
transformation de l’industrie automobile selon des choix technologiques décisifs du point
de vue écologique et de l’espace urbain.
Au-delà du cas de PSA et de la filière automobile, le gouvernement doit engager des réformes visant
à donner plus de droits aux travailleurs/euses. Il faut notamment instaurer pour les représentant-
es syndicaux un droit de veto suspensif sur les licenciements collectifs.
Solidaires revendique la création d’un nouveau statut du salarié garantissant la pérennité des droits
et acquis sociaux. La responsabilité collective du patronat doit être reconnue, notamment par la
mise en place d’un fonds patronal finançant le maintien des salaires dans la période de reconversion
ou de formation, avec obligation de résultat, sans limite de délai, des reclassements.
Il faut également poser la question de la réduction du temps de travail avec embauches correspondantes
et l’amélioration les conditions de travail. C’est une nécessité face à l’augmentation
de la productivité, aux nouvelles technologies et à la montée du chômage.
L’Union syndicale Solidaires, avec l’ensemble de ses organisations,
engagera toutes ses forces dans la bataille au côté des salarié-es de PSA
et des sous-traitants, oeuvrera à la construction de la convergence des
luttes des populations des villes touchées par ce désastre économique
programmé, et à celles de tous et toutes les salarié-es menacés
par des plans de licenciements.
Solidaires37
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