Lettre au secrétaire général de la préfecture d’Indre et Loire et lettre au Défenseur des Droits.
La lutte des travailleurs sans papiers continue.
Tours le 11 mars 2013
Le Collectif des Travailleurs Sans Papiers
d’Indre-et-Loire (Collectif TSP 37)
Le Réseau Education Sans Frontières
d’Indre-et-Loire (RESF37)
La section d’Indre-et-Loire de la
Ligue des Droits de l’Homme
Le Syndicat SUD Solidaires 37
L’Union Départementale CGT 37
Europe-Ecologie/Les Verts 37
Association Chrétiens-Migrants
FSU 37
ATTAC Touraine
Monsieur le Secrétaire Général de la
Préfecture d’Indre-et-Loire
15 rue Bernard Palissy
BP 3208
37925 TOURS Cedex 9
Objet : Mise en œuvre de la
Circulaire du 28-11-2012
Difficultés liées aux contrats de travail
Monsieur le Secrétaire Général,
Suite aux demandes d’admission exceptionnelle au séjour par le travail déposées par les membres du Collectif TSP 37 dans le cadre des dispositions du paragraphe 2.2.3/ de la circulaire du Ministre de l’Intérieur du 28 novembre 2012 (7 ans ou plus de séjour continu en France), les services de la Préfecture d’Indre-et-Loire ont délivré à 5 d’entre eux des récépissés d’une durée de validité de 4 mois, renouvelables une fois, avec autorisation de travail. Il leur revient maintenant de se mettre en quête d’un contrat de travail d’une durée d’au moins 6 mois pour l’obtention d’un titre de séjour mention « salarié temporaire », ou au-delà pour un titre de séjour « salarié » d’un an.
Dès la publication de la circulaire du 28-11-2012, il est apparu clairement aux membres du Collectif TSP 37, aux organisations membres de son Comité de soutien, ainsi qu’à de très nombreux acteurs de la solidarité avec les « sans papiers » dans tout le pays, que la production d’un contrat de travail dont la durée doit obligatoirement être supérieure à la durée de validité du récépissé et de l’autorisation de travail est une exigence bien souvent hors de portée. D’ores et déjà, des membres du Collectif TSP 37 ont contacté des entreprises, mais ces dernières sont extrêmement réticentes à conclure avec eux les contrats de travail requis. Leurs responsables sont bien loin de maitriser la logique de la circulaire, et sont peu enclins à faire confiance au postulant lorsque celui-ci explique que c’est la production du contrat qui sera la clé de l’obtention de l’autorisation de travail d’un an renouvelable (ou de l’autorisation de travail temporaire), et non l’inverse.
Le récépissé permet de réactiver les contacts avec les sociétés de travail intérimaire, mais construire un devenir professionnel plus pérenne est en l’état actuel des choses quasi impossible, malgré le désir qu’en ont les travailleurs du Collectif TSP 37. Anticipant sur ces difficultés qui sont aujourd’hui indéniables, le Collectif TSP 37 et les organisations signataires de la présente ont déjà formulé auprès de vous, lors des deux entrevues que vous leur avez accordées le 19 décembre 2012 et le 28 janvier 2013, le souhait qu’à défaut de contrat de travail, il puisse leur être délivré une carte de séjour au vu des bulletins de salaire obtenus pendant la période de validité des récépissés. Nous réitérons aujourd’hui cette demande, sans l’acceptation de laquelle le processus de régularisation serait lettre morte. La circulaire a suscité quelque espoir ; il serait pour le moins paradoxal qu’elle aboutisse à pousser les membres du Collectif TSP 37 dans le travail clandestin.
Nous voudrions soulever un autre aspect de la question liée à la signature des contrats de travail, concernant plus particulièrement les contrats aidés, tels des contrats CAE – CUI qui ne peuvent être signés entre l’employeur et le postulant qu’avec l’accord de Pôle Emploi. Plusieurs membres du Collectif TSP 37 ont eu connaissance de recrutements par des associations, qui proposent des contrats aidés (Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi, Contrat Unique d’Insertion). Certains ont pu honorer de tels contrats par le passé, lorsqu’ils étaient en possession d’autorisations de travail d’un an. Aujourd’hui, et alors même qu’ils seraient éligibles à ce type de contrats de travail, Pôle Emploi refuse de donner son agrément à leur candidature : un récépissé de 4 mois ne peut permettre de postuler à un contrat aidé dont la durée minimale est obligatoirement de 6 mois.
A Pôle Emploi, on reste totalement fermé à l’argument, tiré de la circulaire elle –même, selon lequel c’est justement la production du contrat de travail qui permettra la délivrance d’une carte de séjour mention « salarié ».
Les travailleurs du Collectif TSP 37 se heurtent donc à d’importantes difficultés pour obtenir des employeurs les contrats qui permettront la poursuite du processus de régularisation. Lorsqu’il s’agit de contrats aidés, ces difficultés sont un véritable blocage, qui crée une discrimination entre travailleurs, dans la mesure où ils sont empêchés de postuler, avant même l’étape de l’entretien d’embauche. Ces difficultés et blocages pourraient sans doute être atténués, voire supprimés, si les employeurs d’un côté, Pôle Emploi de l’autre, étaient mieux informés de l’esprit de la circulaire qui, si nous l’avons bien compris, ouvre un espace de régularisation par le travail à celles et ceux qui manifestent leurs capacités à occuper des emplois salariés – ce qu’on appelle leur « employabilité ». Encore faudrait-il que cette capacité et cette volonté d’insertion par le travail ne soit pas limitée, voire empêchée dès le début du processus, par des réticences non justifiées ou des règles d’accès à l’emploi trop rigides.
C’est à notre sens l’autorité préfectorale qui, en premier lieu, pourrait contribuer à aplanir ces difficultés auprès des employeurs et à assouplir les règles d’agrément pour les contrats aidés. C’est pourquoi nous vous sollicitons en ce sens.
Nous restons à votre disposition pour tout toute information et tout échange qui pourraient compléter les données ci-dessus et contribuer à apporter des solutions aux problèmes soulevés.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Secrétaire Général, à l’expression de nos salutations distinguées,
p. le Collectif TSP 37
Helder GARCIA
p. le Comité de soutien
Chantal BEAUCHAMP
Le Collectif des Travailleurs Sans Papiers d’Indre et Loire (Collectif TSP 37)
Le Réseau Education Sans Frontières (RESF 37)
La section de Tours et d’Indre et Loire de la Ligue des Droits de l’homme (LDH 37)
Le Syndicat Sud Solidaires 37
L’Union départementale CGT 37
Europe Ecologie Les Verts 37
L’Association Chrétiens-Migrants
La FSU 37
ATTAC Touraine
Contact :
Catherine LISON-CROZE (LDH 37)
ldh.37@laposte.net
Monsieur Dominique BAUDIS
Défenseur des Droits
TOURS, le 14 mars 2013
Objet : saisine pour discrimination indirecte en matière d’embauche.
Envoi par lettre recommandée avec AR
Monsieur le Défenseur des Droits,
Sur le fondement de l’article 2.2.3 de la circulaire n° NOR INTK1229185 du Ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012, plusieurs travailleurs de notre département, devenus sans papiers suite au non renouvellement du titre de séjour dont ils bénéficiaient depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, ont déposé des demandes d’"admission au séjour au titre du travail".
Estimant pour cinq d’entre eux, que l’examen des dossiers était positif à la lumière des critères établis, la Préfecture d’Indre et Loire leur a délivré un récépissé avec autorisation de travail, valable pour une durée de 4 mois renouvelable une fois, sur le fondement de l’article 1.4 de la circulaire.
Il s’avère que la durée de ce récépissé constitue un obstacle majeur à l’admission au séjour de ces personnes dans la mesure où l’article 2.2.2 de la même circulaire indique, dans son paragraphe premier, que "les services de main d’œuvre étrangère s’assureront d’un engagement sérieux en ne retenant que les contrats d’une durée égale ou supérieure à 6 mois".
Aucun employeur n’est en mesure d’accepter de délivrer une promesse d’embauche ou de proposer un contrat de travail pour une durée d’au moins 6 mois alors que le demandeur étranger d’un emploi ne peut lui présenter qu’un récépissé d’autorisation de travail valable seulement pour 4 mois. Il n’est d’ailleurs pas indiqué sur ce récépissé qu’il est renouvelable une fois.
Cette situation caractérise une discrimination indirecte interdite par la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dont l’article 1er 2ème alinéa dispose : " Constitue une discrimination indirecte, une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entrainer, pour l’un des motifs mentionnés au 1er alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique, ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés".
En l’espèce :
La délivrance d’un récépissé de 4 mois relève d’une disposition générale de la circulaire, neutre en apparence (article 1.4).
Monsieur le Préfet d’Indre et Loire fait prévaloir cette disposition générale de l’article 1.4 relative à la durée de 4 mois du récépissé, sur celle figurant dans le premier paragraphe de l’article 2.2.3 qui ne précise, elle, aucune durée du récépissé, et qui est ainsi rédigée : "… il vous est possible de lui délivrer un récépissé de carte de séjour temporaire "salarié" en vue de lui permettre de rechercher un emploi et l’autorisant à travailler. Ce récépissé ne sera renouvelable qu’une fois".
Se prononçant sur l’éligibilité de plusieurs candidats à un contrat aidé, Pôle Emploi a indiqué le 5 mars 2013 à un employeur que le contrat aidé proposé n’était "pas possible pour Monsieur A. car son titre de séjour actuel expire avant la fin du contrat de travail". (courriel joint à la présente). Le titre de séjour visé est précisément le récépissé d’une durée litigieuse de 4 mois.
Cette situation discriminatoire a entrainé pour le postulant écarté, "un désavantage" avéré par rapport aux autres postulants cités par Pôle Emploi dans son courriel. Elle entraine un désavantage patent pour les demandeurs d’emploi de nationalité étrangère (pays tiers de l’Union Européenne), par rapport aux demandeurs d’emploi qui ne le sont pas.
Elle n’est pas justifiée par un but légitime. Elle s’inscrit même en contradiction avec l’objet de la remise d’un récépissé autorisant le demandeur d’emploi étranger à travailler puisque sa durée constitue un obstacle à l’embauche pour la durée minimale de 6 mois exigée.
Les conséquences de cette discrimination indirecte sont particulièrement lourdes. A l’expiration du récépissé de 4 mois, les demandeurs d’emploi étrangers qui ont satisfait aux deux premières conditions d’admission au séjour, afférentes à la durée de leur ancienneté de séjour et de travail, ne pourront pas obtenir une promesse d’embauche ou une proposition de contrat de travail. Ces derniers sont donc empêchés de remplir ce 3ème critère cumulatif exigé.
Monsieur Christian Pouget, Secrétaire général de la Préfecture d’Indre et Loire, nous a précisé que tout rejet d’une demande d’admission au séjour sera immédiatement suivi de la notification d’une obligation de quitter le territoire français.
Nous vous saisissons de cette situation qui porte atteinte au droit fondamental de l’égalité de traitement en matière d’embauche et nous éloigne encore un peu plus de ce que Monsieur le Conseiller d’Etat Thierry Tuot appelle, dans son rapport du 1er février 2013 remis au Premier ministre, une "approche apaisée et confiante de la présence étrangère en France".
Vu l’urgence, nous vous prions de bien vouloir intervenir auprès du Ministre de l’intérieur dont émane la circulaire, du Préfet d’Indre et Loire et de Pôle Emploi 37 qui l’appliquent, afin que cessent les conséquences inhumaines engendrées par le blocage de la volonté sincère des travailleurs sans papiers à remplir le critère lié à la signature d’un contrat de travail d’au moins 6 mois, dont le caractère inaccessible est avéré.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Défenseur des Droits, l’expression de nos sentiments distingués.
Solidaires37
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